21 février 2012

Un élève est mort

Un élève de Kim est mort hier. J'ai moi-même perdu une de mes élèves en début d'année.

Deux choses m'ont frappée par rapport à ces décès. 

La première, c'est qu'aujourd'hui tout comme il y a plusieurs mois, on l'a appris presque par hasard. Une collègue me l'avait dit, mais c'était juste pour me prévenir que les élèves de cette classe n'auraient pas cours puisqu'ils devaient aller aux funérailles. Et aujourd'hui, Kim a entendu des profs en parler, donc elle a posé la question. 

La seconde, c'est que les causes du décès sont très vagues. Mon élève serait morte d'une "fièvre montée au cerveau", tandis que le petit de Kim est "tombé en courant".

J'ai du mal à expliquer ce détachement. C'est sûr qu'il doit y avoir une bonne dose de bouddhisme là-dedans. Mais réincarnation ou pas, la mort d'un enfant c'est tout de même un événement difficile. J'ai du mal à croire que les profs s'en fichent au point de ne pas partager l'information avec des gens pour qui c'est capital, ne serait-ce que pour des questions pratiques (vous m'imaginez en train de faire l'appel ? "Et elle, elle n'est pas là ? Ben non, elle est morte"). Peut-être que c'est tabou ? Peut-être qu'ils n'ont pas assez de connaissances médicales pour se rendre compte que les raisons avancées n'ont pas beaucoup de sens ? Ou bien les causes sont sans importance, ce qui est fait est fait ?

Je n'ai pas de réponses à apporter, mais ça m'interroge !

6 commentaires:

Jean luc Martin a dit…

Bonjour,
concernant cette "indifférence", au delà de l'influence religieuse, il est probable aussi que plusieurs autres facteurs entrent en jeu :
- le fait tout d'abord que les personnes en question ont une culture qui les conduit à ne pas exprimer ouvertement leurs sentiments et le meilleur moyen de ne pas afficher sa sensibilité c'est encore d'éviter de parler trop de certains sujets douloureux ...
- le fait aussi qu'on est dans une société à "fort contexte de communication" c'est à dire où l'on n'a pas nécessairement besoin de parler explicitement de tout, chacun étant naturellement au courant de ce qui est important...
- le fait enfin que certains évènements de la vie comme un décès sont avant tout dans ces sociétés collectivistes l'affaire de la famille, c'est à dire le cercle des gens unis par des "liens forts" et non celui de tous ceux qui comme en Occident pourraient y être associés au nom de certains "liens faibles"... Qui plus est, le fait d'être un farang, ne contribue pas à faire comprendre aux gens qu'on puisse se sentir concerné par ce qui arrive... ce qui marque aussi les limites de notre intégration dans une société au sein de laquelle nous restons des pièces rapportées en dépit de nos efforts linguistiques, comportementaux, etc.
Il est certain que ce type de situation n'est pas toujours facile à comprendre et accepter...

leo a dit…

je voudrais dire que cette situation est difficilement gérable, par peur, par respect, la mort est un chose terrifiante pour moi, même si parfois elle peut soulager comme le décès de parents après de longues souffrances, qu'elles soient physiques ou intellectuelles, je demande et mets moi même le silence, est ce de la lâcheté je ne sais pas, je me suis souvent demandé ce que je voudrais pour moi...

Anonyme a dit…

gdje dirais que en tant que étrangère tu ne seras pas la première informée ? tout comme tu as du mal à comprendre le comportement ils doivent se dire la même chose à ton égard . tout au long du blog tu nous fais part de pratiques différentes dans la vie de tous les jours , raison de plus devant la mort ; tu viens d'une civilisation dans laquelle le culte des morts est fort ( bien moins qu'il y a 50 ans , donc évolutions importantes dans ce domaine aussi ). Le fait que l'ensemble de la classe se rende aux funérailles montre un intérêt certain autour de la mort de l'élève ; quant aux causes , la recherche ( autopsies ? ) est elle assez développée pour avoir une réponse en général ? mais tu poses LA question essentielle : pourquoi les enfants meurent ils ? AM.

Maï a dit…

Merci pour vos remarques intéressantes ! (autre constatation intéressante : vous êtes tous les trois des hommes du même âge ou presque.)

J'ai oublié de préciser quelque chose dans mon article : à Bangkok je n'ai jamais ressenti ça. J'ai aussi été confrontée à la mort d'étudiants mais la diffusion de l'information était complètement différente : immédiate, détaillée. Donc j'en arrive à une explication possible : à Lamphun nous les profs étrangers, sommes à part, nous resterons toujours des pièces rapportées comme dit JLM, tandis qu'à ABAC la nationalité n'importait pas, tous les profs étaient au même niveau.

Jean luc Martin a dit…

Re-bonjour Maïween,
au sujet de votre dernière remarque, je crois surtout qu'à ABAC, si je me fie à ce que j'ai pu apprendre au sujet de cette université tant par votre blog que par les informations recueillies ici en Thaïlande, on est en présence d'une population différente... je dirais même moins traditionnelle que celle que vous fréquentez à Lamphun... Au delà des rigidités que vous y avez maintes fois soulignées, les modes de raisonnement y sont sans doute plus "occidentalisés" ou du moins intègrent d'autres approches que celles régissant la vie quotidienne de votre établissement actuel... Qu'en pensez-vous ?

Maï a dit…

Plus occidentalisé qu'un lycée de campagne, c'est sûr. Mais surtout, plus international en général. Beaucoup de profs sont étrangers, et la nationalité n'entre pas vraiment en ligne de compte. J'ai pu être chef de département par exemple, ce qui est inenvisageable dans la plupart des établissements.

Ici c'est très très conservateur, et les 11 profs natifs (chiffre assez exceptionnel pour le genre d'établissement) ne forment qu'un vernis qui n'altère pas la thaïtude de l'école. Malgré l'ambition d'être reconnue comme "école de classe internationale", d'ailleurs.