10 septembre 2007

Je a disparu

En thaï on s'appuie beaucoup sur le contexte pour faire passer son message. Si un élément est facilement déductible grâce au contexte, on ne le dit pas. C'est souvent le cas des pronoms. Dialogue classique quand deux personnes se rencontrent :

- Pai nai (aller où - Tu vas où ?)
- Pai ginkhao (aller manger - Je vais manger)

On se doute bien que la première personne ne demande pas "je vais où ?".

En plus de ce phénomène, il y en a un autre qui tend à rendre le pronom "je" très rare. Pour parler d'eux-mêmes les Thaïs utilisent facilement leur surnom. Par exemple je peux dire

- Maï ao nam som (Maï vouloir jus orange)

Mais aussi leur titre :

- Ajarn ru leo (Professeur savoir déjà)

J'ai encore du mal à parler de moi comme ça, j'ai un peu l'impressiond d'être Alain Delon parlant de lui à la troisième personne. Mais ça viendra !

18 commentaires:

Anonyme a dit…

Freud perdrait son latin dans ce pays ! j'ai constaté ici que parfois les personnes en état alcoolique parlent d'elles à la troisième personne ou en se désignant par leur prénom , mais ce n'est pas une incitation à boire !
l'absence du je donne des indications sur la place de la personne dans le groupe et la société : à la socio linguistique tu vas pouvoir ajouter la psycho....AM

Anonyme a dit…

En japonais aussi, les pronoms sont délétérés quand le contexte est clair.

Par contre, les Japonais n'utilisent rien à la place de "je". Mais plutôt à la place de "tu" !

Par exemple, quand on dit "tu iras à la réunion demain", on dit "[nom suivi de "san"] demain réunion aller".

Ils paraphrasent aussi "il"/"elle" en les remplaçant par "cette personne-là".

Maï a dit…

En thaï aussi on peut utiliser les prénoms et les titres là où nous utiliserions plutôt "tu" et "il/elle".

Pour ce qui est de l'aspect sociolinguistique, je n'y avais pas pensé. Mais en fait il prend tout son sens quand on sait qu'effectivement l'unité de base dans la société thaïe c'est la famille ou le groupe, et pas l'individu.

Anonyme a dit…

On peut aussi dire Pi (+ âgé) ou Nong (+ jeune) pour parler de soi, c'est souvent le cas entre amis. Un enfant pourra aussi dire "Nou" (petite souris). C'est mignon !

Ceci dit l'absence de pronoms peut parfois entraîner une certaine confusion. Je me rappelle ce jour où ma femme s'était essayée à faire un gâteau à l'ananas, que je trouvais très bon mais dont elle n'était pas satisfaite. Pendant qu'on le dégustait, survient une énième panne de courant qui éteint mon PC (mon UPS ne marchait plus) et me fait râler contre les incapables qui s'occupent du réseau électrique.

Ma femme : Thamay tam may di? (pourquoi faire pas bien - je comprends "pourquoi ils font pas bien", sous-entendu pourquoi ces blaireaux ne sont pas capables de faire une installation électrique digne de ce nom)
Je réponds d'une voix énervée : May rou leuang, may sonchay leuy (mot à mot "pas savoir la moindre chose, ne pas s'intéresser du tout", c'est à dire : ils font n'importe quoi et ils s'en foutent).

Ma femme me regarde bizarrement... mais heureusement elle comprend vite le malentendu. Elle pensait toujours à son gâteau, et elle me demandait en fait "Pourquoi je ne l'ai pas réussi ?" (pourquoi faire pas bien, thamay tam may di). Et je lui ai donc répondu quelque chose comme : "Tu ne sais rien faire et en plus tu t'en fous !" :)

Anonyme a dit…

et y'a pas de conjugaison non plus ?

Maï a dit…

C'est vrai que parfois on peut arriver à de beaux quiproquos !

Non, pas de conjugaisons, ni d'accords, ni d'articles.

Flam' a dit…

Et eux se comprennent tout le temps? Ils ne font jamais de quiproco? Dans l'histoire de Beaumont, le doute était permis!

En même temps, ma question est idiote, j'espère qu'ils peuvent se comprendre entre eux!

Maï a dit…

Supposition : tout comme il y a parfois des quiproquos entre Français, qui pourtant maîtrisent leur langue, il doit y en avoir entre Thaïs.

:-)

Flam' a dit…

Certes. C'est juste que cette langue semble plus "créatrice" de quiproquos. Les films comiques en thaïs, ça doit donner!

Anonyme a dit…

eh bien voilà , pour vous intégrer dans la culture thaï , il vous faut revenir aux premiers temps de l'enfance quand l'enfant se désigne par son prénom ou autre surnom employé par les parents du genre " mon bébé , p'tit chat , mon lapin..." et continuer le développement façon thaï ; mais çà doit être difficile pour un français né après 1968 .( je vous conseille de garder le je ) comment se retrouvent les enfants de couple mixtent ?

Anonyme a dit…

mal endormi , et voilà j'en perds mon français : couples mixtes . AM

Maï a dit…

Par contre, "mal endormi" n'est pas une faute dans l'argot familial :-)

Anonyme a dit…

Je ne vous surprendrai pas en vous disant qu'en russe, on vire aussi souvent le pronom sujet !
En italien aussi d'ailleurs.
Je crois quand même pas que tous ces peuples soient si collectivistes que ça...

Maï a dit…

Pour le russe je ne sais pas, mais en italien, même si on omet le sujet, la conjugaison du verbe indique la personne. Par exemple (seule phrase que je connaisse) Parlo italiano : pas de pronom sujet, mais o est la terminaison de la 1ère personne du singulier. On retrouve ça en espagnol et en breton par exemple. Mais pour le thaï, le japonais, le chinois... il n'y a pas de marqueur personnel du tout puisqu'il n'y a pas de conjugaisons.

Léti a dit…

mal endormi.... oui d'accord, je comprends l'idée, et de plus en plus !
Des bretons s'adonneraient aux plaisirs alccolisés ? nan !? En tout cas Maï ça m'étonnerait ! je suis meme pas sure qu'elle ait trempé les lèvres à mon mariage !!!
J'adore ces discussions linguistiques ! On en apprend bien plus en 3 minutes de lecture des commentaires qu'en 4 ans de sciences du langage en fac française ! Dingue !
Pour cette histoire de pronoms, disparaissent, se comprennent dans le contexte, etc....
Je me souviens d'un quiproquo avec des Allemands. Je tenais la caisse d'une manifestation culturelle à la mairie de Chinon, que Maï connait parfaitement maintenant. Je tenais cette caisse en bas du grand escalier en bois (tu situes ?) et l'expo avait lieu dans la salle en haut de l'escalier (devenue depuis la salle des mariages). Ils refusaient de payer sans connaitre le contenu de l'expo..... Et je leur parle en allemand en employant le pronom "Sie" qui est le vouvoiement (ou voussoiement), le même que pour la 3è personne du pluriel. J'ai voulu lui demander de patienter, que j'aille chercher une personne responsable. Et plus je lui disais Sie/vous plus ils comprenaient sie/ils !!!! Grrr "Vous patientez s'il vous plait." "Oui mais je fiche qu'ils attendent moi je veux monter !!" grrrrrr
Finalement les plus tranquilles avec le vouvoiement sont les anglophones non ? A moins que les sourds les dépassent....

Flam' a dit…

Un peu de mauvaise foi tes Allemands, Leti! Ca me parait dingue qu'ils ne t'aient pas compris...

Léti a dit…

Ouais Flam' ça veut dire que la mauvaise foi n'est pas uniquement française !? et moi qui suis toujours si claire quand je communique ... comprends pas ;-)

Krishna a dit…

En khmer, c'est la même chose. D'ailleurs au Cambodge, je me faisais passer pour un extra-terrestre en disant "je/moi" à tout va. Quand on s'adresse à quelqu'un, on parle de soi à la 3ème personne et on s'adresse à lui à la 3ème personne.

Ex : "bang sour oun ..." (grand frère informer petit frère/soeur ...) : je t'informe que ...